Elévation

Je me réveille enfin, la lumière crue m'aveugle.
Quand je parle de réveil, je devrais plutôt dire que j'ouvre les yeux.
Mes paupières pèsent une tonne.
J'ai l'impression que de la lave coule dans mes veines mais je ne peux me débattre car je suis entravé sur un lit d'hôpital.
Comme si j'avais pu me lever pour aller courir comme un lapin...
Les anesthésiants ont laissé un goût âcre dans ma bouche et je sens sur ma peau de nombreux capteurs qui suivent mes signes vitaux, comme la perfusion branchée dans le creux de mon bras gauche.
Je me souviens aussi la raison de ma présence ici et tourne difficilement la tête pour voir si, dans la pièce, se trouve mon fauteuil roulant.
Mes paupières sont lourdes, trop lourdes, et je sombre à nouveau dans une douce inconscience.

J'entrouvre à nouveau les yeux.
Combien d'heures se sont écoulées depuis la dernière fois?
Je n'en ai aucune idée.
Mais je n'ai plus mal partout.
Etait-ce un cauchemard?
A côté de mon lit se trouvent deux hommes en blouse blanche portant le badge au symbole d'Aegis qui m'observent en grifonnant sur un bloc note qu'ils tiennent à la main.
A l'entrée, deux agent d'Aegis en uniforme portant des matraques spéciales et un gros taser à la hanche.
Ils me surveillent moi?
Les deux hommes, un jeune aux cheveux roux frisés et un grand échalat aux cheveux blancs, se parlent entre eux à voix basse, comme s'ils avaient peur de me réveiller.
Le plus jeune des deux voit enfin que je suis conscient.

"Bienvenu parmis les vivants Agent Richardson.
Je suis le docteur Mac Tagart, et voici le docteur Reinhart, me dit-il en me montrant son collègue à la mise plus sévère.
Nous sommes heureux de voir que vous supportez plutôt bien le traitement.
Reposez-vous, il est quasiment 14h00 et comme nous sommes jeudi, cela veut dire que vous êtes restés inconscient pendant 6 jours."
Et que vous devez mourir de faim après tout ce temps."

Mon estomac gargouillait, je me sentais capable de manger un boeuf.

"Nous allons vous retirer les entraves afin que vous puissiez vous sustenter, votre corps en a le plus grand besoin."

Je me redressais dans mon lit sans y réfléchir, en m'aidant de mes bras et de mes jambes.
Et là, le choc.
Je pouvais utiliser mes jambes, les sentir à nouveau!

"Oui, nos sondes ont détecté que vos jambes et votre moelle épinière ont été réparées par le processus.
Reste à savoir si ce n'est pas tout et si les radiations n'ont pas activé autre chose...".

Me rappelant le but initial, et pourquoi je m'étais porté volontaire, je répond au sourire du jeune docteur.

Les deux docteurs sortent pour être remplacé peu après par un chariot roulant sur lequel trônent des plateaux de nourriture.
Mourant de faim, je les engloutis à vitesse grand V.

La machine essayait veinement de me torturer depuis ce matin mais je soulevais déjà une masse impressionnante.
Elle avait commencé gentillement, en se basant sur mon profil datant d'avant.
Et malgré l'augmentation, elle peinait à fournir plus.
Pas moi.

"C'est bon Julian, arrêtes de crâner et laisses cette pauvre machine tranquille.
Viens donc plutôt éprouver ta vitesse de course sur la piste".

C'est Jackson qui me parlait, un grand costaud, un agent qui avait commencé avec moi dans Aegis.
J'enchainais les tours, et accélérais à chaque fois au passage au chrono.
A la fin, j'étais sur les rotules.

Sifflement admiratif de Jackson.
"Pas mal pour quelqu'un qui, il y a quelques jours, se déplaçait encore en fauteuil roulant!"

Oui, que ce temps me semblait loin.
Il y avait eu les tests, interminables et qui nous ont poussé à bout au niveau intellectuel et psychique.
Aucun test physique, tous les agents étaient comme moi des écloppés, des handicapés à la suite d'interventions qui avaient mal tourné.
Et puis le résultat.
Moi et 5 autres étions sélectionnés pour un projet secret d'Aegis, Elévation.
Des 6 que nous étions, j'ai appris par la suite que seuls 3 avaient survécus aux deux premières phases.
Et que j'étais fort heureusement l'un d'eux.
Où étaient les autres à l'heure actuelle?
Aucune idée, je ne les ai jamais revu.

J'entend une voix dans mon commlink, surpassant le bruit produit par l'air sifflant à mes oreilles.
"C'est bon Julian, tu peux commencer, les instruments sont callés sur toi et la visibilité est parfaite."

Je les vois tout en bas, minuscules bâteaux observateurs répartis un peu partout dans cette immense étendue bleue saupoudrée de blanc.
Et là, j'accélère.

J'entend en écho dans mon commlink le premier bang supersonique, suivi d'autres en cascade au fur et à mesure que j'accélère.
Les vagues défilent à tout vitesse, je me rapproche près du niveau de la mer, et en tournant la tête je vois l'onde supersonique que je traîne derrière moi.
Mon sillage est comme une balafre dans l'océan, vite refermée mais bien visible grâce aux vagues.

"C'est bon Julian, nous avons cru te perdre mais nous avons bien les chiffres dans nos ordinateurs.
Mais dis moi, nous avons tous ici l'impression que tu ne t'es pas donné à fond?"

Je souris pour moi même.

"Non, je crois que je peux faire mieux mais je n'ai pas envie de boire la tasse en attendant que vous vous bougiez les fesses pour venir me récupérer"

"D'accord, me répond la voix dans le micro, tu essayeras de me faire plaisir la prochaine fois, et tu emmèneras ta bouée canard..."

"Voilà Julian, nous l'avons terminé hier soir.
Nous avons utilisé la toute dernière génération de tissus pour ton costume, taillé aux mesures que tu nous as fourni.
Déshabilles-toi et essayes le.
Aller, ne fais pas le timide, je t'ai déjà vu en slip."

Cette voix, c'est celle d'Alistair, un petit bout de femme au casque d'or tout sourire avec moi devant son nouveau né.
A la fois styliste, couturière, et géniale inventeuse, elle est la conceptrice de nos tenues de combat.

"Ahh tu es fin prêt.
Cela tombe bien, je crois que M. Powers doit faire un discours aujourd'hui.
Tu seras peut-être convié à montrer ton joli minois à cette conférence, M. Star Eagle..."

Je prend un air faussement exaspéré.
"Oh ça va, je te rappele que toi aussi tu as été consultée pour ce nom."

Elle glousse en riant tout en réajustant ci et là mon costume.
Ce dernier est chaud et robuste et à l'épreuve des balles, moulant parfaitement mes muscles qui se sont largement développés ces derniers mois.

Et moi de lui répondre en prenant la pause devant le miroir:
"Non Alistair, aujourd'hui les caméras se satisferont d'une autre belle gueule que moi, le Patriote sera là avec Powers.
Mais que cela ne t'empêches pas de m'admirer et de me prendre en photo!"